vendredi 15 avril 2011

Villepin : le début de la fin ?

Avant toute chose, et pour être le plus honnête possible, je dois reconnaître que j'ai un attrait certain et une relative bienveillance pour Dominique de Villepin. Cette attitude à son égard s'explique notamment par son allure générale, son charisme et sa grande classe. En fait, cet homme représente plutôt bien l'image que je me fais d'un président.
Pour autant, la forme ne fait pas tout en politique même si elle tend, malheureusement, à prendre une place de plus en plus importante. Pour moi, le fond, c'est à dire les idées, reste le plus important.
C'est pourquoi j'ai choisi aujourd'hui de détailler le programme présenté par le président de République Solidaire le 14 avril en point presse. Pour cela, je m'appuierai sur la version en 20 points disponible à cette adresse.
 
1) Un revenu citoyen de 850 euros pour les personnes sans ressources et dégressif pour les personnes aux revenus inférieurs à 1500 euros, pour garantir la dignité de chaque citoyen.
2) Un statut du citoyen qui fixe les droits et les devoirs du citoyen, notamment l’obligation de voter et la reconnaissance du vote blanc.
3) Un impôt citoyen progressif, unifiant tous les impôts actuels sur le revenu et le patrimoine et qui devra être payé même symboliquement, par chaque citoyen.
4) Un service citoyen pour donner un visage à la solidarité, service obligatoire pour les jeunes et ouvert à tous.
Ces quatre propositions ont clairement pour objectif de revaloriser le rôle du citoyen au sein de la société. Fondamentalement, la mise en place d'une allocation sociale unique de même montant et pou tous et une évolution importante. Malgré un coût élevé (30 milliards), cette promesse a le mérite de simplifier notre système d'aide social et de le rendre plus équitable. C'est d'ailleurs dans cette même optique que la fiscalité sera, semble-t-il, réformée.
Concernant le statut du citoyen, on peut penser qu'il s'agit davantage d'une posture que d'une réelle proposition. Bien que favorable à la reconnaissance du vote blanc, je ne suis pas sûr que l'obligation de voter soit vraiment un progrès.
S'agissant du service citoyen, je n'ai pas vraiment d'avis sur le sujet. Cela peut être séduisant pour la jeunesse mais je crains que cela ne soit qu'une version plus ou moins évoluée de l'actuel service civique. Une réintroduction du service militaire aurait été, selon moi, une perspective intéressante.
 
5) Des institutions plus efficaces, huit à dix ministres, pour recentrer l’action, huit à dix régions pour aller au bout de la décentralisation.
6) Le défi de l’équilibre des territoires : une collectivité territoriale, la métropole, capable d’assumer les défis de la lutte contre la ségrégation des banlieues au niveau le plus adéquat, grâce à des projets territoriaux élaboré par les habitants dans le cadre de conseils de quartiers.
Voila un premier point sur lequel je suis en désaccord avec l'ancien premier ministre. En effet, je crois que notre organisation territoriale n'est pas forcément notre plus gros problème. De plus, cela ferait, avec la réforme en cours des collectivités, deux gros chambardements en peu de temps. En outre, cela risque d'aller à l'encontre de notre héritage historique qui nous a légué notre organisation actuelle. 
 
7) Une justice indépendante grâce à un Procureur Général de la Nation.
8) Une police plus efficace par une division des tâches entre une police nationale chargée du judiciaire et du maintien de l’ordre et une nouvelle police métropolitaine, à recrutement national, en charge de la tranquillité publique sous l’autorité du maire, présente dans tous les quartiers, forte en effectifs et bien équipée. Pour lutter contre les grands trafics, nous avons besoin de coordination entre les Groupements d’Intervention régionaux, un Groupement d’Intervention Nationale et des Groupements d’intervention Européens.
9) Une école plus juste et plus efficace en dépassant le Collège Unique par une Ecole du Socle et une Ecole de la Détermination au sein de Cités Scolaires à direction générale unifiée. Il faut, pour plus de justice, remplacer les ZEP par un droit personnalisé à l’enseignement prioritaire, attaché anonymement à chaque élève qui en a le besoin.
10) Le défi du service public : de nouveaux services publics pour garantir l’intérêt général par la régulation, et notamment un service public bancaire, à la fois pour garantir l’accès aux services de base et pour orienter la finance vers l’économie réelle et un service public du logement, notamment pour développer les missions d’intérêt général des bailleurs privés de façon contractuelle, logement social et d’encadrement des loyers pour les classes moyennes.
11) Le défi de l’accès à une santé de qualité : un hôpital public décentralisé, repensé et en prise avec les territoires et une gouvernance de l’Assurance maladie unifiée et régionalisée pour associer au plus près la maîtrise des financements et la connaissance des besoins.
12) Le défi de la société de la connaissance : de grands pôles universitaires réunis avec les grandes écoles et les classes préparatoires pour entrer dans la société de la connaissance.
Pour moi, ces propositions sont "superflues". Il s'agit simplement de faire un coup d'éclat par des phrases vides de sens. En outre, ce ne sont que des grandes déclarations de principe visant à montrer son opposition à Nicolas Sarkozy et à rassembler au delà de son camp.
 
13) Avec un instrument de régulation : la TVA 3E sociale et environnementale permettant de responsabiliser les consommateurs et de soutenir la production française.
14) Avec un instrument de pilotage : le Conseil National Stratégique et le Plan Vert, pour plus de cohérence et de compétitivité de l’économie française.
En voila une bonne nouvelle. Décidément, j'ai l'impression que nos politiques tendent tous à se mettre d'accord sur l'instauration de mesures protectionnistes. Pour autant, ces derniers n'ont pas encore le courage d'appeler un chat un chat et se cachent derrière des considérations écologiques.
15) Avec un instrument de mobilisation : la cogestion avec un tiers des sièges dans les Conseils d’Administration et de Surveillance pour les salariés.
Certains voient en cette proposition la fibre gaulliste de Villepin. Personnellement, je n'irai pas jusque là même s'il s'agit d'un réel progrès. D'ailleurs, DSK, qui ne revendique en aucun cas l'héritage du général, a avancé la même idée.

 
16) Avec un instrument de lutte contre le chômage : un service public des parcours professionnels intégrant chômage, formation professionnelle et sécurisation des parcours.
Nouveau son de pipeau. Certes le Pôle Emploi n'est pas un modèle de réussite et peu grandement être amélioré mais je ne suis pas sûr qu'il faille encore une fois tout chambouler. De plus, je ne suis pas convaincu de l'efficacité d'une telle mesure sur un chômage qui a bien d'autres causes.
 
17) Une exception culturelle française accordant une exemption fiscale sur les revenus des créateurs, afin d’attirer en France les grands noms et de soutenir les jeunes créateurs.
Clairement je suis opposé à cette proposition. Tout d'abord, je suis contre la plupart des exonérations fiscales de principe. Ensuite, celle-ci me paraît à la fois inappropriée et indécente. Enfin, je trouve que la France a d'autres problèmes plus urgents à résoudre que d'accueillir des "artistes". Malgré tout, il faut bien reconnaître que pour moi la culture n'est pas une priorité, ce qui explique ma position.
 
18) Une garantie de souveraineté au sein de l’Europe en nous dotant des outils d’une coopération étroite et quotidienne avec l’Allemagne, notamment sur l’euro, un Haut Conseil permanent franco-allemand.
19) Une garantie d’indépendance en articulant la sortie du commandement intégré de l’OTAN avec des progrès d’une Europe de la Défense indépendante.
Nouveau point de désaccord important entre DDV et moi. Par ailleurs, cet enchaînement de mesures me semble tout à fait révélateur des contradictions du candidat potentiel. En effet, d'une part il souhaite recouvrer notre indépendance militaire mais d'autre part, en persistant dans son illusion européiste, il maintient le pays dans un relatif asservissement.

 
20) Une maîtrise de l’immigration, grâce à un parcours d’immigration et d’intégration qui accompagne les étrangers en situation régulière par des droits et des autorisations de séjours croissants avec le temps dans le cadre d’un titre de séjour unique et progressif.
Pas grand chose à redire sur le principe. Pour autant, cela est plus facile à dire qu'à faire en raison des contraintes européennes, et notamment les règles de l'espace Schengen, qui pèsent sur notre pays.
 
Au final, il apparaît que mon attirance pour la forme ne fait pas le poids face à l'analyse du fond. Bien que quelques points d'accord apparaissent, il n'en reste pas moins que des divergences profondes subsistent. Je pense notamment à la fuite en avant européenne et au programme économique quelque peu faiblard.
De plus, je dois reconnaître avoir été assez déçu par ce programme. En effet, ce dernier avait été annoncé comme révolutionnaire alors que, finalement, hormis quelques mesures, celui-ci se révèle assez classique.
 
Parallèlement à cela, et maintenant que le programme de base est dévoilé, il faut savoir si Dominique de Villepin sera candidat ou non. A l'heure actuelle rien n'est encore fait et tout reste à faire. Malgré tout, on peut remarquer que l'espace politique de l'ancien premier ministre s'est considérablement réduit avec la "pseudo dissidence" de Jean-Louis Borloo. Peut-être qu'une alliance Borloo-Villepin-Bayrou-Morin ... serait alors une bonne solution tant ces derniers sont idéologiquement proches.
Mais nous ne sommes qu'à un an de la présidentielle. D'ailleurs il est fort probable que cette élection nous réserve d'autres surprises.

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