mardi 14 juin 2011

"Votez pour la démondialisation" d’Arnaud Montebourg

Ayant un peu de temps en ce moment, j'ai décidé de me lancer dans la lecture de tout un tas de livres politiques. Aujourd'hui, j'ai choisi de vous faire partager mes remarques sur l'ouvrage "votez pour la démondialisation" d'Arnaud Montebourg.
 
Actuellement, Arnaud Montebourg incarne, au sein du parti socialiste, le courant de pensée dont je me sens le plus proche. Il s'agit, grossièrement, de ce que l'on appelle l'aile gauche du parti.
Bien qu'ayant des points de divergences, je dois reconnaître que je me retrouve dans un certain nombre de propos d'Arnaud Montebourg. D'ailleurs, j'envisage même d'aller voter pour lui à la primaire socialiste. C'est dire ! Mais j'y reviendrai en temps et en heure.
 
Pour le moment, penchons nous sur ce petit livre de 90 pages vendu au prix de 2 €.
 
Dans un premier temps, on retrouve une préface rédigée par Emmanuel Todd. Disons le tout net, celle-ci est assez inutile. Pour moi, son principal objectif est de montrer que Montebourg n’est pas tout seul et qu’il est potentiellement soutenu par des personnalités de renom et ici en l’occurrence un économiste.
 
Durant les premiers chapitres, l'auteur s'attelle à poser le cadre de son argumentation. Pour cela, celui-ci cherche à montrer les méfaits de la mondialisation par des exemples précis pris sur tous les continents (France, Allemagne, Etats-Unis, Chine, Inde …). Il en tire alors toute un série de conséquences : délocalisations, concurrence entre travailleurs, pression sur les salaires. Bref, ce ne sont ni plus ni moins que de chapitres de constats.
 
Par la suite, le député socialiste aborde les effets de la mondialisation sur l’emploi mais également et surtout la montée en puissance des multinationales qui se fait aux dépens des Etats. Clairement, il s'agit d'une véritable charge contre ces entreprises qu’il accuse d’affaiblir la France. Montebourg nous explique ensuite que la mondialisation a conduit à mettre en compétition les différents Etats qui ont alors cherché à accroître leur attractivité par une course à la moins-disance (fiscale, sociale …).
 
Jusqu'alors, je ne peux que souscrire à ces propos tant j'ai déjà fait des constats identiques. Pour autant, c'est dans les chapitres suivants que les choses vont devenir intéressantes. En effet, Arnaud Montebourg esquisse une critique de la gauche qui, selon lui, n’a pas su répondre aux attentes des citoyens. Il estime alors que le politique doit reprendre la main afin de changer le système et non pas de le gérer comme cela a été le cas par le passé.
 
C'est à l'aune du sixième chapitre que l'on rentre réellement dans le vif du sujet avec le développement de propositions. L'une d'entre elles, qui s'avère être le point central du raisonnement, étant un protectionnisme vert  et européen dont le but est de se protéger contre le libre-échange afin de recréer un tissu industriel en Europe.
 
Mais cessons de résumer le livre afin de nous intéresser davantage aux limites desdites propositions. 
 
La première qui me vient à l'esprit est qu'Arnaud Montebourg entend changer le système actuel. Pour autant, ce dernier continue à raisonner à l’intérieur de ce système puisqu'il ne semble pas souhaiter pas de véritable rupture. Ainsi, l'élu socialiste s'inscrit pleinement dans le cadre européen et au sein de l'OMC. Reconnaissons toutefois que les changements envisagés sont importants et sont déjà considérés pour certains comme de la pure folie.
 
Ensuite, et comme nous venons de le voir, Montebourg souhaite en particulier un protectionnisme aux frontières de l'Europe. Personnellement, j'y adhère à 100 %. Là où le bât blesse est que l'Union Européenne compte 27 Etats. Un consensus semble donc quelque peu utopique, bien que certains pays puissent se rallier à notre cause.
Pour autant, aucune alternative ne semble être dans les cartons pour pallier une éventuelle fin de non recevoir de la part de nos partenaires.
D'ailleurs, Arnaud Montebourg semble rejeter toute solution purement nationale. Pour dire vrai, j'étais exactement dans la même position il y a quelques mois de cela puisque je préférais un accord au niveau européen. Malgré tout, je dois bien avouer qu'en l'état actuel des choses la mise en place de mesures unilatérales doit être très sérieusement envisagée tant la situation a dégénéré. En outre, rien ne nous dit que d'autres Etats ne nous imiteraient pas peu de temps après. Le tout est d'ouvrir la voie et de "montrer l'exemple".
 
Par ailleurs, je regrette que la question de l'euro n'ait pas été abordée de manière approfondie. En effet, je crois qu'il s'agit aujourd'hui d'un point très important qui conditionne en partie la suite des évènements. Pour autant, on peut légitimement supposer qu'Arnaud Montebourg est un partisan de la monnaie unique et souhaite uniquement une modification dans sa gestion.
 
Enfin, Montebourg est bien conscient que sans l'aval de l'Allemagne, ce projet ne verra jamais le jour. Autrement dit, le gros du programme de démondialisation repose en très grande partie sur la bonne volonté ou non de l'Allemagne. C'est pourquoi, celui-ci propose une "grande explication européenne" avec cette nation qui depuis quelques années a adopté une attitude non-coopérative, voire même égoïste.
Indubitablement, cela est impératif tant le couple franco-allemand n'est plus qu'une illusion. D'ailleurs, l'instauration du pacte de compétitivité imposé par l'Allemagne montre bien que l'Union Européenne est à sa botte.
Une remise à plat de nos relations est donc tout à fait souhaitable afin que l'Union Européenne ne devienne pas une Union Allemande. Rien ne serait pire que de mettre en place le modèle allemand partout en Europe !
 
Au final, ce petit livre largement accessible au grand public est une assez bonne surprise. J'attends donc maintenant avec impatience l'intégralité du programme d'Arnaud Montebourg. Car même si l'aspect est primordial, il ne se suffit pas à lui-même.

8 commentaires:



  1. Dans le principe de la S4J, les entreprises sont obligées d'embaucher au moins 10% de personnel suplémentaire pour pouvoir bénéficier de la suppression totale de cotisation UNEDIC, à la
    différence des 35h où elles n'avaient aucune obligation...



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  2. Ce concept de semaine de 4 jours me semble intéressant sur le principe. Après, je n'ai pas suffisamment de recul pour me faire réellement une idée.
    Toute la question, je crois, sera de savoir si les entreprises vont réellement embaucher et ne pas chercher à augmenter les cadences.


    En tout cas je vous remercie pour vos commentaires !



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  3. Le nombre d'emplois industriels a baissé, à cause des gains de productivité non répartis, du au fait que le temps de travail est bloqué depuis les années 70 (alors qu'il baissait régulièrement
    avant).


    Tant qu'on n'aura pas réglé ce pb, la situation ne fera qu'empirer, même si on dépense des milliards en investissement de réindustrialisation (voir l'exemple japonais).


    Ceci dit, la proportion d'emplois délocalisés à tendance à augmenter, il faut donc aussi s'en inquiéter même si pour l'instant l'impact reste minime.


    En ce qui concerne l'efficacité d'une RTT massive (je ne parle pas des 35h qui étaient voués à l'échec dès le départ), il faut regarder ce qui s'est fait avec la loi De Robien juin 1996 sur la
    semaine de 4 jours à la carte. 400 pme sont passés à ce régime et y sont toujours aujourd'hui (Mamie Nove, Fleury Michon et un tas de petites boîtes, auto-école et autres), à elles seules elles
    ont créé ou préservé 15000 emplois, or la France compte 2 millions d'entreprises...


    Une estimation ultra prudente du Ministère du Travail en 1997 mentionnait le chiffre de 1.6 MILLIONS d'emplois CDI minimum envisageables grâce à ce concept.


    J'ai trouvé sur le web des témoignages de chefs d'entreprises ayant franchi le pas il y a quelques années si ça vous intéresse.



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  4. Clairement vous semblez être partisan d'une réduction du temps de travail à, au moins, 32h.
    Comme je vous l'ai dit, je n'ai pas suffisamment réfléchi à la question pour me forger une opinion.


    Pour autant, l'Histoire fait apparaître une tendance à une baisse du nombre d'heures travaillées hebdomadairement. La question que je me pose est jusqu'à quel point va t'on aller ? 30h ? 25 h
    ?
    Et pour quelles conséquences ? Car les 35h ont eu des impacts importants sur les salaires et l'organisation des entreprises.


    Vous dites que même des milliards investis dans la réindustrialisation de changeront rien. Je ne suis pas d'accord. Plus il y a d'entreprises plus il y aura d'emplois, c'est mathématique.
    S'agissant de vos témoignages, je suis preneur.



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  5. Oui, mais c'est essentiellement du à l'augmentation des services dans le PIB et non à une baisse de l'industrie


    Ci-dessous le lien d'un article donnant quelques détails sur ces chiffres :


    http://www.contrepoints.org/2011/05/11/24567-la-mondialisation-a-bon-dos


    Extraits :


    "Ajustée de l’inflation, la production industrielle françaises (€900 milliards) était 114% plus élevée en 2010 qu’en 1970 et sur la même période, la valeur ajoutée – c’est-à-dire la richesse
    économique – générée par ce secteur (€215 milliards en 2010) a doublé [2]. Cette réduction du poids de l’industrie dans notre PIB ne traduit donc pas une réduction de notre production
    industrielle – elle n’a même jamais été aussi élevée que durant cette première décennie du 21e siècle – mais à une croissance plus rapide du reste de l’économie et en particulier des activités de
    service."


    ...


    "Si la valeur réelle des produits industriels a baissé c’est que nos industries ont réalisé de gigantesques gains de productivité. Il suffit de comparer une chaine de montage des années 1970 avec
    son équivalent moderne pour s’en convaincre : les progrès technologiques réalisés en quarante ans ont complètement révolutionné l’organisation des usines et leur ont permis de produire beaucoup
    plus en utilisant beaucoup moins de ressources rares – et en premier lieu de travail humain. En 1970, un salarié de l’industrie française produisait l’équivalent de €73.959 par ans ; quarante ans
    plus tard, son fils produit €273.152 – soit 3,7 fois plus"



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  6. Cela est tout à fait possible mais on en revient toujours au même point, et en l'occurence le nombre d'emplois industriels a diminué en France. Or c'est cela qui pose actuellement problème d'où
    la nécessité de prendre des mesures dans l'optique de réindustrialiser notre pays.



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  7. OK, juste quelques chiffres trouvés sur les sites de journaux économiques :


    La production industrielle aux Etats-Unis est stable depuis dix ans, alors que dans le même temps les emplois industriels ont chuté. Même chose en Europe
    La production industrielle réalisée sur le territoire national français a progressé de 2% en 2006.
    En 2006, les investisseurs étrangers ont investi quelques 88 milliards de dollars en France contre 70 milliards seulement en chine. La Tribune
    Entre 1995 et 2002, la production industrielle globale a augmenté de 30 % et la productivité de 4,3 % par an, tandis que chaque année, l’emploi industriel a chuté dans toutes les régions du monde
    jusqu’à perdre 31 millions d’actifs


    Il ne faut pas se tromper de diagnostic, sinon les solutions appliquées se révèleront dramatiquement inefficaces...



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  8. Je suis d'accord avec vous, la productivité industrielle a bel et bien augmenté. Mais on voit bien que le nombre d'emplois a considérablement diminué et c'est ce qui me gêne.
    Il est probable que les gains de productivité aient contribué en partie à cela mais je suis convaincu que les délocalisations ont également joué un rôle important.


    Sans rentrer dans une guerre de chiffres, il apparaît que la part de l'industrie dans la production française est passée de 29 % en 1982 à 22 % en 1998 et 13 % en 2009.



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